mercredi 1 octobre 2014

12 e Anniversaire du naufrage du bateau le « Joolaa »: Homélie

1. 26 Septembre 2002 – 26 septembre 2014 : Douze ans après, nous voilà réunis pour nous souvenir, dans la prière, de nos frères et sœurs bien-aimés, de nos amis, de nos parents, de tous ceux que nous ne connaissons pas, hommes, femmes et enfants, qui ont rencontré la mort dans le naufrage du bateau « Le  Joola ». Ils ont été emportés, cette nuit-là, de manière si brutale et si inattendue, dans ce qu’il convient bien d’appeler une véritable tragédie : 1863 morts officiellement.
 Frères et sœurs, si nous sommes ici rassemblés, c’est aussi parce que l’Eglise nous recommande de garder dans la fidélité la mémoire des fidèles défunts et, parce qu’ils ont eux-mêmes vécu dans cette espérance, de prier Dieu de leur accorder la résurrection et la vie, de leur donner son pardon, de nous garder dans la communion avec eux. Faire cette commémoration dans l’eucharistie que nous célébrons, c’est, pour nous, en intercédant en leur faveur, nous recommander aussi à leur intercession, en raison de la communion des saints entre les vivants et les morts.  
Dans cette eucharistie, nous voulons rejoindre tous ceux qui sont affectés au plus profond d’eux-mêmes par ce drame, qu’ils soient présents ou absents de notre Assemblée. Notre prière est pour eux, afin que le Seigneur continue d’être leur force dans l’épreuve et les aide à vaincre les conséquences de ce grave traumatisme par les moyens spirituels que donne la foi.

2. Par son prophète Ezéchiel, dans la première lecture, Dieu annonce une bonne nouvelle : Lui, Dieu, sait montrer sa miséricorde et pardonner à celui qui se repent de ses péchés. Il ne désire donc pas la mort du pécheur ! Aussi lorsque nous disons : «  la conduite du Seigneur est étrange », il n’en est rien ! C’est, au contraire, notre propre conduite qui est étrange, dès lors que nous nous entêtons à emprunter des chemins dans lesquels nous nous fourvoyons, comme ceux de l’injustice, en abandonnant ceux de la justice et du droit. C’est de cela que vient la mort et non de Dieu !
Parce que l’erreur est humaine, Dieu n’oublie pas tout le bien accompli dans une vie à cause de la seule faute commise. Mais il en est ainsi à la condition de se convertir, c’est-à-dire de changer de route, de revenir pour s’attacher à Lui et pour marcher dans la voie de la droiture et de la justice. Ne l’oublions pas ! Dieu nous parle par les événements qui surviennent dans notre histoire d’hommes, et il nous demande d’entendre aussi cette Parole-là.
Frères et sœurs, comment ne pas rapporter cette Parole de Dieu qui nous invite à la conversion à ce tragique accident dont la commémoration nous rassemble aujourd’hui ?  Ce naufrage n’est pas le fait de Dieu, bien que des esprits fatalistes veuillent l’y convoquer, comme si c’est la volonté de Dieu qui consentait à la mort de tous ces innocents ! La vérité est que c’est de notre fait, à nous les hommes !
Le naufrage du bateau le « Joolaa » fait sauter à nos yeux à tous, particulièrement ici au Sénégal, et aujourd’hui plus que jamais, nos péchés de négligence, de manque du sens des responsabilités, de fatalisme, - et n’ayons pas peur des mots - de cupidité dans la recherche de son propre intérêt au détriment de l’intérêt général, de légèreté et d’indiscipline. Toutes choses qui sèment la mort au quotidien,  sur nos routes et ailleurs, parce que mettant en danger la vie d’autrui et la nôtre naturellement.
Depuis ce vendredi dernier, combien de sénégalaises et de sénégalais, s’exprimant dans les medias et en d’autres lieux, se sont désolés de ce que nous n’ayons pas tiré des leçons et des enseignements de ce drame. Or ce qui le leur fait dire, c’est au vu des comportements persistants comme si le drame du bateau « Le Joola » ne s’était pas produit marquant une page bien sombre de l’histoire de notre pays.
La surcharge des moyens de transport est partout visible aujourd’hui encore, comme si nous avions choisi le parti de la mort plutôt que de la vie. Or la vie humaine, faut-il le rappeler, est sacrée, la nôtre comme celle des autres, car c’est de Dieu que nous la recevons, et nous avons la responsabilité de la préserver,  d’en prendre soin en toutes circonstances et partout.

3. Jésus, comme faisant écho au message du prophète Ezéchiel, nous met devant nos refus de conversion à la Parole de Dieu, ou alors devant notre obéissance à Dieu et à sa volonté. Est-on comme cet enfant qui dit « non » à son père et qui, se repentant, va faire ce qui lui est demandé, ou alors sommes-nous comme cet autre enfant qui dit « oui » à son père mais n’en fait rien ?
Le message de l’Evangile, c’est que c’est en actes qu’il faut se convertir et non en paroles, que c’est à nos actes que nous sommes jugés et non à nos intentions changeantes. Le peuple nouveau de Dieu qu’incarnent publicains et prostituées se constitue par leur capacité à se repentir à la Parole de Dieu et à celle de ses envoyés. Si ce sont les actes qui jugent du sérieux de l’intention, il ne suffit donc pas de proclamer un désir de conversion, mais c’est de se convertir qui fait la conversion.
Cet homme dont parle Jésus, représente Dieu lui-même. Ses deux enfants nous représentent tous, enfants de Dieu que nous sommes. Pour les uns et pour les autres, l’accent va porter non sur ce que nous sommes (pieux, moraux ou non), ni sur ce que nous disons, mais sur ce que nous allons faire ou ne pas faire. Dieu ne se perd pas en conjectures sur les dispositions variées de ses enfants ; il nous place les uns et les autres devant le même ordre qui, seul, décidera de notre destinée. Ce qui permet d’entrer dans le règne et dont Jésus nous ouvre le chemin, c’est la foi et la repentance devant nos péchés et nos fautes.
Un événement comme celui que nous commémorons nous invite à nous engager courageusement sur le chemin du vrai changement, celui de nos mentalités comme de nos conduites. Alors nous voudrons ce que veut Dieu : notre vie, notre bonheur ici-bas et le bonheur sans fin auprès de Lui. Le moteur de cela, c’est notre amour pour Dieu, mais aussi pour les autres. La charité donne aussi sens à ce que nous célébrons en, ce jour.

Un drame comme celui du bateau « Le Diola » a vu un déploiement de charité extraordinaire. Il doit en être ainsi pour les disciples du Christ que nous sommes. Ce faisant, nous voulons nous appliquer les exhortations de l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens : vivre dans la charité, car telle est notre vocation dans le Christ. En effet, dans le Christ, il nous faut cultiver l’amour et la communion, la tendresse, la compassion, l’humilité qui fait reconnaitre les autres supérieurs à soi, le souci des autres en sortant de la seule préoccupation de soi-même, de sa propre personne.