1. 26 Septembre 2002 – 26 septembre 2014 : Douze ans après, nous voilà réunis
pour nous souvenir, dans la prière, de nos frères et sœurs bien-aimés, de nos
amis, de nos parents, de tous ceux que nous ne connaissons pas, hommes, femmes
et enfants, qui ont rencontré la mort dans le naufrage du bateau « Le Joola ». Ils ont été emportés, cette
nuit-là, de manière si brutale et si inattendue, dans ce qu’il convient bien d’appeler
une véritable tragédie : 1863 morts
officiellement.
Frères et sœurs, si nous sommes ici
rassemblés, c’est aussi parce que l’Eglise nous recommande de garder dans la
fidélité la mémoire des fidèles défunts et, parce qu’ils ont eux-mêmes vécu
dans cette espérance, de prier Dieu
de leur accorder la résurrection et la vie, de leur donner son pardon, de nous
garder dans la communion avec eux. Faire cette commémoration dans l’eucharistie
que nous célébrons, c’est, pour nous, en intercédant en leur faveur, nous
recommander aussi à leur intercession, en raison de la communion des saints
entre les vivants et les morts.
Dans cette eucharistie, nous voulons
rejoindre tous ceux qui sont affectés au plus profond d’eux-mêmes par ce drame,
qu’ils soient présents ou absents de notre Assemblée. Notre prière est pour eux,
afin que le Seigneur continue d’être leur force dans l’épreuve et les aide à
vaincre les conséquences de ce grave traumatisme par les moyens spirituels que
donne la foi.
2. Par son prophète Ezéchiel, dans la première lecture,
Dieu annonce une bonne nouvelle : Lui, Dieu, sait montrer sa miséricorde
et pardonner à celui qui se repent de ses péchés. Il ne désire donc pas la mort
du pécheur ! Aussi lorsque nous disons : « la conduite du Seigneur
est étrange », il n’en est rien ! C’est, au contraire, notre
propre conduite qui est étrange, dès lors que nous nous entêtons à emprunter
des chemins dans lesquels nous nous fourvoyons, comme ceux de l’injustice, en abandonnant
ceux de la justice et du droit. C’est de cela que vient la mort et non de Dieu !
Parce que l’erreur est humaine, Dieu
n’oublie pas tout le bien accompli dans une vie à cause de la seule faute
commise. Mais il en est ainsi à la condition de se convertir, c’est-à-dire de
changer de route, de revenir pour s’attacher à Lui et pour marcher dans la voie
de la droiture et de la justice. Ne l’oublions pas ! Dieu nous parle par
les événements qui surviennent dans notre histoire d’hommes, et il nous demande
d’entendre aussi cette Parole-là.
Frères et sœurs, comment ne pas
rapporter cette Parole de Dieu qui nous invite à la conversion à ce tragique
accident dont la commémoration nous rassemble aujourd’hui ? Ce naufrage n’est pas le fait de Dieu, bien
que des esprits fatalistes veuillent l’y convoquer, comme si c’est la volonté
de Dieu qui consentait à la mort de tous ces innocents ! La vérité est que
c’est de notre fait, à nous les hommes !
Le naufrage du bateau le
« Joolaa » fait sauter à nos yeux à tous, particulièrement ici au
Sénégal, et aujourd’hui plus que jamais, nos péchés de négligence, de manque du
sens des responsabilités, de fatalisme, - et n’ayons pas peur des mots - de
cupidité dans la recherche de son propre intérêt au détriment de l’intérêt
général, de légèreté et d’indiscipline. Toutes choses qui sèment la mort au
quotidien, sur nos routes et ailleurs,
parce que mettant en danger la vie d’autrui et la nôtre naturellement.
Depuis ce vendredi dernier, combien
de sénégalaises et de sénégalais, s’exprimant dans les medias et en d’autres
lieux, se sont désolés de ce que nous n’ayons pas tiré des leçons et des
enseignements de ce drame. Or ce qui le leur fait dire, c’est au vu des
comportements persistants comme si le drame du bateau « Le Joola » ne
s’était pas produit marquant une page bien sombre de l’histoire de notre pays.
La surcharge des moyens de transport
est partout visible aujourd’hui encore, comme si nous avions choisi le parti de
la mort plutôt que de la vie. Or la vie humaine, faut-il le rappeler, est
sacrée, la nôtre comme celle des autres, car c’est de Dieu que nous la recevons,
et nous avons la responsabilité de la préserver, d’en prendre soin en toutes circonstances et
partout.
3. Jésus, comme faisant écho au message
du prophète Ezéchiel, nous met devant nos refus de conversion à la Parole de
Dieu, ou alors devant notre obéissance à Dieu et à sa volonté. Est-on comme cet
enfant qui dit « non » à son père et qui, se repentant, va faire ce
qui lui est demandé, ou alors sommes-nous comme cet autre enfant qui dit
« oui » à son père mais n’en fait rien ?
Le message de l’Evangile, c’est que c’est en actes qu’il faut se
convertir et non en paroles, que c’est à nos actes que nous sommes jugés et
non à nos intentions changeantes. Le peuple nouveau de Dieu qu’incarnent
publicains et prostituées se constitue par leur capacité à se repentir à la
Parole de Dieu et à celle de ses envoyés. Si ce sont les actes qui jugent du
sérieux de l’intention, il ne suffit donc pas de proclamer un désir de
conversion, mais c’est de se convertir qui fait la conversion.
Cet homme dont parle Jésus,
représente Dieu lui-même. Ses deux enfants nous représentent tous, enfants de
Dieu que nous sommes. Pour les uns et pour les autres, l’accent va porter non
sur ce que nous sommes (pieux, moraux ou non), ni sur ce que nous disons, mais
sur ce que nous allons faire ou ne pas faire. Dieu ne se perd pas en conjectures
sur les dispositions variées de ses enfants ; il nous place les uns et les
autres devant le même ordre qui, seul, décidera de notre destinée. Ce qui
permet d’entrer dans le règne et dont Jésus nous ouvre le chemin, c’est la foi
et la repentance devant nos péchés et nos fautes.
Un événement comme celui que nous
commémorons nous invite à nous engager courageusement sur le chemin du vrai
changement, celui de nos mentalités comme de nos conduites. Alors nous voudrons
ce que veut Dieu : notre vie, notre bonheur ici-bas et le bonheur sans fin
auprès de Lui. Le moteur de cela, c’est notre amour pour Dieu, mais aussi pour
les autres. La charité donne aussi sens à ce que nous célébrons en, ce jour.
Un drame comme celui du bateau
« Le Diola » a vu un déploiement de charité extraordinaire. Il doit
en être ainsi pour les disciples du Christ que nous sommes. Ce faisant, nous
voulons nous appliquer les exhortations de l’apôtre Paul dans sa lettre aux
Philippiens : vivre dans la charité, car telle est
notre vocation dans le Christ. En effet, dans le Christ, il nous faut cultiver
l’amour et la communion, la tendresse, la compassion, l’humilité qui fait
reconnaitre les autres supérieurs à soi, le souci des autres en sortant de la
seule préoccupation de soi-même, de sa propre personne.