Cher Abbé Joseph TOURE, Vicaire Episcopal,
Chers confrères dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs, les Parents des Victimes du Naufrage,
Chers rescapés du Naufrage,
Chers membres du COGECIC,
Chers frères et sœurs dans la foi,
1. 26 Septembre 2002 – 26 septembre 2014 : Douze ans après, nous n’avons pas
oublié ! Aussi nous voilà réunis dans ce cimetière Saint Lazare, lieu de
repos de nos morts, pour nous souvenir, dans la prière et l’hommage, de nos
frères et sœurs bien-aimés, hommes, femmes et enfants, qui ont rencontré la
mort dans le naufrage du bateau
« Le Joola ». Ils ont été emportés, cette nuit fatidique,
de manière si brutale et si inattendue, dans ce qu’il convient bien d’appeler
une véritable tragédie : 1863 morts
officiellement.
Nos compatriotes qui ont pris nombreux
la parole ce vendredi, comme s’ils s’étaient donné le mot, ont été
particulièrement insistants à nous exhorter et supplier de ne pas oublier ce
qui s’est passé cette nuit du 25 au 26 septembre 2002, afin que cela n’arrive
plus jamais dans l’histoire de notre pays.
Nous ne saurions donc nous dérober à
ce qui est pour nous un devoir de mémoire à cultiver, et à cette occasion, nous
arrêter un instant pour interroger notre agir personnel et communautaire, et
pour en vérifier la justesse au regard des leçons écrites par ce drame.
Au nom de son Eminence le Cardinal
Théodore-Adrien SARR, absent du pays et fidèle à rendre cet hommage à nos
disparus, je voudrais remercier et féliciter tous ceux qui ont pris
l’initiative de notre rencontre de ce jour et qui, depuis douze ans,
l’organisent si fidèlement, nous donnant l’occasion de cette grande communion
avec nos chers disparus.
Dans cette prière, nous voulons
rejoindre tous ceux qui sont affectés au plus profond d’eux-mêmes par ce drame,
et malgré le temps, ne peuvent oublier, portant eux–mêmes la déchirure de la
séparation dans les circonstances que nous savons. Notre prière est pour eux,
afin que le Seigneur continue d’être leur force dans l’épreuve et les aide à
vaincre les conséquences de ce grave traumatisme par les moyens spirituels que
procure la foi.
2. Si tous demandent de ne pas
oublier ce qui s’est passé, c’est parce que croyants, nous savons que Dieu nous
parle par les événements qui surviennent dans notre histoire d’hommes. Il nous
demande d’entendre aussi cette Parole-là, pour que cela suscite des
comportements nouveaux à tous les niveaux de notre vie sociale. Ce Message de
Dieu, à travers cet événement tragique, nous invite à la conversion. Car ce naufrage n’est pas le fait de Dieu, quand
bien même des esprits fatalistes voudraient l’en rendre comme responsable, croyant
à tort que c’est la volonté de Dieu qui consentait à la mort de tous ces
innocents ! La vérité est que c’est de notre fait, à nous les
hommes !
Le naufrage du bateau le
« Joolaa » fait sauter à nos yeux à tous, particulièrement ici au
Sénégal, et aujourd’hui plus que jamais, nos péchés de négligence, de manque du
sens des responsabilités, de fatalisme, - et n’ayons pas peur des mots - de
cupidité dans la recherche de son propre intérêt au détriment de l’intérêt
général, de légèreté et d’indiscipline. Toutes choses qui sèment la mort au
quotidien, sur nos routes et ailleurs,
parce que mettant en danger la vie d’autrui et la nôtre naturellement.
Depuis ce vendredi dernier, combien de
sénégalaises et de sénégalais, s’exprimant dans les medias et en d’autres
lieux, se sont désolés de ce que nous n’ayons pas tiré des leçons et des
enseignements de ce drame. Or ce qui le leur fait dire, c’est au vu des
comportements négatifs persistants comme si le drame du bateau « Le
Joola » ne s’était pas produit marquant une page bien sombre de l’histoire
de notre pays. La surcharge des moyens de transport est partout visible
aujourd’hui encore, comme si nous avions choisi le parti de la mort plutôt que
de la vie. Or la vie humaine, faut-il le rappeler, est sacrée, la nôtre comme
celle des autres, car c’est de Dieu que nous la recevons, et nous avons la
responsabilité de la préserver, de la protéger, de la garantir, d’en prendre
soin en toutes circonstances et partout et non de la mettre en péril.
Un événement comme celui que nous commémorons
nous invite à nous engager courageusement sur le chemin du vrai changement,
celui de nos mentalités comme de nos conduites, avec à la clef des consciences
aiguisées au sens de ce qui est juste et bien pour soi-même et pour les autres,
afin que tous et chacun puissent mener une vie calme et paisible.
Parce que Dieu veut pour nous la vie,
faisons-nous les intendants de Dieu auprès des personnes rescapées de ce naufrage,
des familles de victimes, des enfants orphelins à
accompagner pour que leur vie soit conforme au rêve de leurs parents disparus.
Sur ce terrain, nous continuons d’encourager l’Etat du Sénégal à déployer des
moyens conséquents pour que, par notre solidarité nationale, toutes ces
personnes ne soient pas victimes une seconde fois. Et comment ne pas encourager
ces mêmes autorités à faire en sorte d’éradiquer de notre sein les
comportements nuisibles voire attentatoires à la vie d’autrui, en raison de l’indiscipline,
du manque d’ordre et de considération pour chaque personne, particulièrement
pour sa vie ?
Alors, comme le rappelait son
Eminence le Cardinal, il y a de cela
plusieurs années, « le devoir de mémoire pourra produire beaucoup de
fruits dans notre vie personnelle comme dans notre vie sociale ».
Monsieur l’Abbé Alphonse SECK
Vicaire Général