dimanche 4 novembre 2012

vers la mise en place d’un cadre formel



Le samedi 04 novembre 2012, la Direction du Service Diocésain de l’Information et de la Communication (SEDICOM) de l’Archidiocèse de Dakar à réunion des présentateurs d’émissions religieuses catholiques dans les médias, à la paroisse universitaire saint Dominique, pour réfléchir sur la nécessité de la mise en place d’une coordination diocésaine des émissions religieuses catholiques.

Cette rencontre s’est articulée dans un premier temps sur deux communications portant sur le cadre réglementaire des émissions religieuses catholiques et les enjeux de la communication pour l’Archidiocèse de Dakar, données respectivement par l’Abbé Roger Gomis, Directeur du SEDICOM et M. Barthélémy SENE, chargé de la Relation Presse de l’Archidiocèse.

Selon le Directeur du SEDICOM, « il était important d’indiquer aux animateurs catholiques que les émissions religieuses catholiques dans l’archidiocèse relèvent de la compétence de l’Archevêque de Dakar, et qu’à ce titre, c’est lui qui leur donne mandat pour exercer cet apostolat ». Il poursuivra en soulignant que dans l’exercice de leur mandat,  ces animateurs: « ont pour tâche de faire passer le message de l’Eglise, conformément à la doctrine catholique et non des opinions personnelles ou des opinions théologiques privées ».

L’abbé Roger GOMIS est aussi revenu sur les qualités requises pour présenter une émission religieuse catholique à la radio comme à la télévision. Elles sont au nombre de trois, aux termes du canon 804 : « le présentateur d’une émission religieuse catholique doit être d’une moralité irréprochable, être doté d’une doctrine sûre et éprouvée et avoir la compétence nécessaire dans l’utilisation de ces moyens de communication »

M. Barthélémy SENE quant à lui a présenté aux animateurs les enjeux de la communication pour l’Archidiocèse de Dakar. Il dénombré cinq types d’enjeux : « religieux (formation des fidèles) ; moraux (situation très complexe de notre pays), influer la société vers la redécouverte des valeurs, par exemple ; informationnel (sur l’identité de l’Eglise et de sa vision) ; identitaire (l’image de l’archidiocèse) et social (pour renforcer le dialogue de vie, raffermir les relations avec les autres religions, par exemple) ». Il conclura sa communication en invitant les présentateurs d’émissions religieuses catholiques à « bien connaître le médium qu’ils utilisent (sa ligne éditoriale, son audience, etc.) ; bien connaître leurs cibles et adapter leurs discours ; maîtriser les contours de l’Evangélisation et les textes, au besoin se faire aider par un prêtre ; bien préparer les émissions sans oublier de les faire valider et procéder à des évaluations et se remettre, car il y de  va de l’image de marque de notre église ».

Suite à ces deux communications les présentateurs ont abordé la question de la nécessité de la mise en place d’une coordination diocésaine des émissions religieuses catholiques. Ils ont tous constaté pour le déplorer qu’ils ont toujours travaillé dans un cadre informel, chacun travaillant seul de son côté et dans l’ignorance des textes réglementaires et doctrinaux. D’où l’urgence de mettre en place cette structure pour une unification du discours et une meilleure présentation de l’Evangile et d’Eglise catholique qui est à Dakar.

Pour corriger cette situation, ils ont mis en place un comité de suivi pour prendre en charge les problèmes liés à la formation et au suivi des présentateurs d’émissions religieuses catholiques et au manque criard de moyens et de ressources.

SEDICOM-Dakar

vendredi 2 novembre 2012

COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS





(1er  Novembre 2012)



ALLOCUTION DU CARDINAL SARR

          En ce jour, où nous célébrons tous les Saints, nous célébrons
également par anticipation la Commémoration de tous les fidèles
défunts. Nous portons nos cœurs, nos regards et nos prières vers tous nos
frères et sœurs, qui nous ont précédés dans la maison du Père, notre
véritable destination. Nous sommes ici pour renouveler de façon toute
spéciale notre foi en la vie éternelle, et notre prière de ce jour est
illuminée par la Résurrection du Christ.
          Chaque année à la même date, nous nous rassemblons dans nos
cimetières, pour prier, pour visiter nos parents et amis défunts pour leur
exprimer notre affection et notre attachement. La visite des cimetières
est un moment favorable pour vivre une expérience particulière de cet
article de foi, contenu dans le Credo : « Je crois à la Communion des
Saints ». La Communion des Saints exprime ce lien étroit qu’il y a entre
les Saints du ciel, les autres fidèles défunts, et nous qui marchons encore
sur cette terre. Notre présence ici est donc un moment de proximité  avec
nos frères et sœurs qui dorment ici, en attendant d’être réveillés pour la
vie éternelle.
          Nous pouvons méditer sur ce que sont nos défunts pour nous, ce
qu’ils sont pour Dieu et l’importance de ce lieu.

I. Notre Communion avec les fidèles défunts
          Les manifestations de notre communion avec nos frères et sœurs
défunts sont diverses. Je voudrais observer avec vous l’une d’entre elles :
les bougies que nous apportons pour les allumer, en appui à notre prière
pour nos frères et sœurs défunts.
          Souvent, quand nous visitons nos cimetières, comme aujourd’hui,
nous apportons des chandelles, cierges, bougies et luminaires de toutes
sortes, pour les poser sur les tombes de nos proches. Aujourd’hui
particulièrement nos cimetières vont baigner dans leur lumière, symbole
de présence invisible.
          Associer la lumière aux défunts, pour manifester le lien qui nous
unit à eux, me paraît une très belle façon de montrer qu’ils sont toujours
avec nous, mais d’une façon mystérieuse. 
          Comme la lumière qui guide et éclaire, nos défunts peuvent
soutenir et illuminer notre chemin par les exemples de leur vie. Comme
la lumière qui dissipe les ténèbres, ils nous montrent que le passage par
la mort n’est pas la fin de tout. Comme la lumière qui, au lever du jour,
fait apparaître tout dans sa beauté et sa nouveauté, ainsi témoignent-ils
de la beauté des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle », où nous
espérons qu’ils sont rendus, avec le Ressuscité toujours vivant auprès de
Dieu.
II. La Communion des fidèles défunts avec Dieu
          « La Commémoration de tous les fidèles défunts », en centrant
notre attention sur les personnes qui nous ont quittés, met en évidence le
lien qui nous unit à elles, mais plus encore le lien qui les unit à Dieu. 
          Ce que nous espérons pour les défunts, que nous portons dans
notre souvenir, c’est qu’ils sont rendus dans la maison de Dieu ; qu’ils y
ont trouvé leur place. Nous espérons qu’est réalisée pour eux la promesse
de Jésus, que nous venons de lire dans l’Evangile de Saint Jean : « Dans
la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure… et là
où je suis vous serez vous aussi. » (Jn 14, 2-3) 
          L’amour de Dieu, qui les a portés de toute éternité, qui les a appelés
à l’existence, qui les a accompagnés au fil de leur vie à travers des hauts
et des bas, des moments d’intimité avec Lui et des questionnements, des
réussites et des erreurs… l’amour de Dieu, dis-je, les prend tout entiers
maintenant, espérons-nous. Ils ne sont plus à eux-mêmes, mais « à
Dieu », comme le dit saint Paul à propos du Christ après la résurrection :
« Car en mourant, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes :
vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. » (Rm 6, 10)
          De même les fidèles défunts entrés au ciel « vivent pour Dieu »
totalement et définitivement. Leur lien à Dieu n’est plus un chemin
parcouru avec des hauts et des bas ; ce n’est plus une montée vers la
lumière à travers les nuages. C’est la pleine lumière dans le repos éternel
où il n’y a plus ni larmes, ni pleurs. Avec Job, ils peuvent dire : « Je sais
que mon libérateur est vivant » (Job 19, 25). 
          Nous souvenir de nos défunts, célébrer leur Commémoration, nous
fait entrer dans cette vie éternelle qui est déjà commencée, et nous fait
proclamer avec conviction cet article de notre profession de foi : « Je
crois à la vie éternelle ». 

III. L’importance des cimetières chrétiens
          Comment proclamer notre foi en la communion avec nos défunts,
sans rappeler l’importance des cimetières, pour nous chrétiens ?
          Nos cimetières offrent la possibilité de donner une sépulture digne
à tous les fidèles, qui nous ont précédés dans la mort.  Ils témoignent
également de notre foi en la résurrection des morts, et demeurent un
reflet de nos traditions catholiques.  
          Le cimetière chrétien est un lieu sacré. C’est le lieu où reposent nos
frères et sœurs dans la foi. Comme chrétiens, nous croyons que le corps
de l’homme est sacré, même après la mort, et qu’il ressuscitera au dernier
jour.
          Le Droit Canon, ou Code des lois de l’Eglise, présente bien le
cimetière comme un lieu sacré : « Les lieux sacrés sont ceux qui sont
destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par la dédicace ou la
bénédiction que prescrivent à cet effet les livres liturgiques » (cf. can.
1205).
          Comme tels, les cimetières chrétiens doivent être respectés, tenus
propres et inspirer à tous ceux qui y entrent des attitudes et des
conduites dignes du sacré.
          Les cimetières chrétiens sont donc des lieux à entretenir et à
sécuriser perpétuellement, par respect pour les défunts qui y reposent, et en partage de l’affection que leurs parents et proches nourrissent pour
eux. C’est pourquoi, l’Eglise se préoccupe toujours et partout de la
création, de l’aménagement et de l’entretien des cimetières pour ses
fidèles.
          C’est l’occasion pour moi de saluer et de remercier tous ces jeunes
et ces personnes de bonne volonté, qui ont participé aux travaux de
nettoyage de nos cimetières en préparation de cette célébration.
          C’est aussi l’occasion pour moi de remercier les membres de notre
Comité de Gestion des Cimetières Chrétiens (COGECIC), pour tous les
efforts déployés depuis la création de cet organe pour l’aménagement,
l’entretien et la sécurisation de nos cimetières chrétiens de Dakar. 
          C’est l’occasion encore pour moi de remercier les autorités
municipales et gouvernementales, pour toutes les actions menées au fil
des années pour assurer les mêmes aménagement, entretien et
sécurisation de nos cimetières.
          Je me permets alors de renouveler nos nombreux appels pour la
création d’un troisième cimetière pour les chrétiens des Départements de
Pikine et de Guédiawaye, et d’un nouveau cimetière chrétien pour la ville
Rufisque. Nous savons que l’attribution du cimetière de Guédiawaye est
en bonne voie ; nous en remercions les autorités compétentes qui ont pris
cette décision ; mais nous demandons la finalisation rapide des
démarches, car il y a une très grande urgence à ouvrir ce cimetière, afin
de ralentir le remplissage trop rapide du cimetière Saint Lazare de
Béthanie.

IV. La profanation des cimetières de Bel-Air et de Saint
Lazare
          Notre présence ici, aujourd’hui, est cependant douloureusement
marquée du souvenir d’actes de vandalisme et de profanation de
centaines de tombes dans les cimetières de Bel Air et de Saint Lazare de
Béthanie. Ce sont plus de 222 familles qui ont été profondément blessées
par cette injure grave à la personne de leurs morts, au respect et à
l’affection qu’elles leur ont marqués en édifiant leurs tombeaux. C’est toute notre communauté, qui a été également profondément blessée par
ces actes, qui sont une injure et une attaque contre elle-même.
          C’est pourquoi, je les déplore et les condamne avec véhémence, à
mon tour. Ces actes sont une preuve supplémentaire de la grande perte
des valeurs et de la grave dépravation des mœurs dans notre société
sénégalaise d’aujourd’hui. En effet, autant dans nos traditions
ancestrales que dans nos religions musulmane et chrétienne, la personne
humaine en elle-même, son corps de son vivant, sa dépouille mortelle et
sa sépulture, revêtent un caractère sacré, qui a toujours permis de leur
marquer le respect le plus absolu. Alors que de tels actes, jusqu’alors
inconnus chez nous, ne se reproduisent plus jamais !
          J’exprime solennellement, à toutes les familles directement
affectées, ma sympathie et ma compassion dans cette douloureuse
épreuve, que je partage avec elles. Je les assure de ma communion dans
la prière et de mon engagement à tout faire, pour que de tels faits ne se
reproduisent plus.  
J’ai été heureux de voir Monsieur le Président de la République luimême,

des autorités gouvernementales, politiques et musulmanes, la
presse et l'opinion publique se joindre à nous, pour dénoncer et
condamner ces actes, avec la même véhémence.
          Nous exprimons à eux tous, l’expression de notre profonde
gratitude pour cette compassion qui vient prouver, aux yeux du monde,
la solidité des bonnes relations entre les communautés religieuses et les
différents groupes humains au Sénégal, premier gage de la paix sociale
qui a toujours caractérisé notre pays. 
          Cependant, nous demandons avec insistance aux autorités
compétentes que, d’une part, les enquêtes ouvertes soient menées jusqu’à
leur terme pour l’identification et la punition des coupables, et que,
d’autre part, des mesures de sécurité soient prises, pour garantir le
respect de la mémoire de nos défunts, et protéger de manière efficace ces
cimetières qui sont des lieux sacrés à nos yeux. 
          Encore une fois, attelons-nous tous à lutter résolument contre la
permissivité, l’indiscipline, l’impunité, le vandalisme et la violence.  Chers frères et sœurs, dans notre foi en la Communion des Saints,
continuons de confier, à l’intercession de Notre Dame de Popenguine, de
Saint Joseph, Saint patron de la bonne mort, et de tous les Saints, tous
les hommes, femmes et enfants qui reposent en nos cimetières, pour que
Notre Seigneur Jésus-Christ leur accorde la place préparée pour eux
auprès de son Père.
          « A nos défunts, accorde Seigneur l’éternel repos ; que brille, à leurs
yeux, la lumière sans déclin ! »
          Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles défunts
reposent en paix ! Amen.


Théodore Adrien Cardinal SARR
Archevêque de Dakar.

jeudi 1 novembre 2012

FETE DE LA TOUSSAINT 2012




(Cathédrale N.D des Victoires, le 01er  novembre 2012)





Homélie


          Frères et sœurs en Jésus-Christ,

  
          « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur ». Telle est l’invitation qui
ressort de l’antienne d’ouverture, en ce jour où nous fêtons tous les Saints.
Aujourd’hui, en effet, commente le Pape Benoît XVI, « l'Église fête sa dignité
de "mère des saints, image de la cité céleste", et manifeste sa beauté d'épouse
immaculée du Christ, source et modèle de toute sainteté. » (Homélie de la
Toussaint, 2010). Dans ces traits qui lui sont reconnus, l’Eglise, en chacun de
ses membres, manifeste sa tension entre un déjà-là et un pas encore clairement
déterminés dans la Préface de ce jour : « … nous fêtons aujourd’hui la cité du
ciel, notre mère la Jérusalem d’en haut (…) Et nous qui marchons vers elle par
le chemin de la foi, nous hâtons le pas, joyeux de savoir dans la lumière, ces
enfants de notre Eglise que tu nous donnes en exemple. »


          1- « Nous hâtons le pas, joyeux… » Voilà décrite, en peu de mots, la
disposition concrète qui anime le cœur des croyants dans la vénération des
Saints, et qui, par le fait même, donne sens à notre célébration. A la question de
savoir : à quoi sert notre vénération des Saints ?, Saint Bernard répondait : « Nos
saints n'ont pas besoin de nos honneurs et ils ne reçoivent rien de notre culte.
Pour ma part, je dois confesser que, lorsque je pense aux saints, je sens brûler
en moi de grands désirs » (Disc. 2; Opera Omnia Cisterc. 5, 364sqq).

          Telle est donc la signification de la fête de la Toussaint : ranimer en
nous, en chacun et chacune d’entre nous, le désir d’être comme les Saints,
en nous laissant séduire par le lumineux exemple de leur vie. Or ce désir
n’est ni abstrait ni lointain ; il doit se dessiner et s’exprimer dans le
cheminement quotidien de tout croyant.

          Les Saints ne sont pas seulement ceux, dont les noms figurent sur nos
calendriers ; ils ne sont pas seulement une élite, dont les noms sont figés dans le
temps et dans l’histoire. Ils sont aussi de notre temps, de notre époque, de nos
milieux ; ils continuent de rendre toujours actuelle la vocation de tout croyant
d’ « être saint comme notre Père Céleste est Saint. » (Lv 19, 2 ; Mt 5, 48) Leur
vie et leur témoignage s’épanouissent comme un parfum, qui stimule en nous
ces grands désirs, dont nous parle Saint Bernard, et qui consolident en nous
cette grande conviction de Saint Paul : Dieu « nous a élus, en Jésus-Christ, dès
avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans
l'amour. » (Ep 1, 4) Mais quels sont ces désirs ?

          C’est d’abord un désir de salut, un désir d’obtenir « d'être concitoyens et
compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches,
à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des
martyrs, à la communauté des confesseurs, au chœur des vierges ; bref d'être
associés à la joie et à la communion de tous les saints (…) »

          Ce désir de salut, chers frères et sœurs, peut et doit allumer en nous
l’ardeur de  déployer ces efforts, qui nous ramènent à la vie de chaque jour, à la
« grande épreuve », dont nous parle Saint Jean, dans la première lecture ; ces
épreuves de la vie que les Saints nous apprennent à affronter et à vaincre avec la
force de la foi et la pratique de la charité. « Qui peut, en effet, gravir la
montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint, s’interroge le Psalmiste ?
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux
idoles. » (Ps 23, 3-4)

          Les mains innocentes signifient une bonne vie relationnelle, celle qui, le
plus souvent possible, nous libère de la tentation de plier l’autre à notre volonté
ou alors de la tentation de nous fermer à l’autre et à ses besoins, au lieu de lui
ouvrir notre cœur et nos mains pour le servir, pour lui venir en aide. Les mains
innocentes signifient pour nous aujourd’hui au Sénégal ouvrir encore et toujours
davantage notre cœur et nos mains aux victimes des inondations, de la pauvreté
croissante, de la maladie, des injustices sociales.


          Le cœur pur est l’image éloquente de ce qu’il y’a au plus profond de
l’homme, de son intériorité, lieu de l’amour du bien, de l’amour de Dieu, de
l’amour des autres. Il représente ce qui rend l’homme réellement homme, c’està-dire

une personne créée à l’image de Dieu, qui est amour. Le cœur pur
représente ces merveilleuses capacités de l’homme à s’ouvrir aux autres, à leur
prêter attention, à compatir à leurs épreuves, à les soulager dans la solitude, le
dénuement, la maladie.

          C’est dans ces racines de l’être que mûrissent nos intentions, que se
construit notre personnalité. Si nous cherchons Dieu de tout notre cœur, si nous
cherchons à nous ajuster à Lui, dans notre cœur, nous ne pourrons qu’être
authentiques dans nos sentiments, nos choix, nos relations et toutes nos
conduites. Alors seront rejetés loin de nous la fausseté, le mépris, l’orgueil, la méchanceté et la violence, disons tout ce, qui nous empêche d’être humainement
épanouis, et d’être spirituellement « saints comme notre Père Céleste est Saint. »


          2- Mais la question demeure : comment pouvons-nous être saints ? Le
serons-nous par nos propres forces ? C’est là qu’intervient le second désir : voir,
comme les Saints, le Christ nous apparaître, et nous accrocher docilement à
sa main pour nous laisser conduire dans sa gloire. « Une vie sainte, disait le
Pape Benoît XVI, lors de son Audience Générale du 13 avril 2011, n’est pas
principalement le fruit de notre effort, de nos actions, car c’est Dieu, le « trois
fois Saint » (cf. Is 6, 3), qui nous rend saints, c’est l’action de l’Esprit Saint qui
nous anime de l’intérieur, c’est la vie même du Christ ressuscité, qui nous est
communiquée et qui nous transforme. »

          Nous accrocher à la main de Dieu, dans la vie concrète du croyant, c’est
prendre conscience de la présence de son Fils Jésus-Christ, et s’engager, avec
Lui, à être artisan de son amour et de sa charité au milieu des hommes. Cette
conscience acquise, le croyant « se rend pur », en tous ses actes, comme le
Christ « lui-même est pur » (1 Jn 3, 3), d’où la grande inspiration de Saint
Augustin lorsqu’il dit : « Aime et fais ce que tu veux ! » Et il poursuit : « Si tu te
tais, tais-toi par amour; si tu parles, parle par amour; si tu corriges, corrige par
amour; si tu pardonnes, pardonne par amour; qu’en toi se trouve la racine de
l’amour, car de cette racine ne peut rien procéder d’autre que le bien »
(Commentaire à la Première Lettre de Saint Jean 7, 8: PL 35).


          3- Aimer ! Tel est le programme de sainteté que nous propose Jésus, en
ce jour. Tel est le programme que Lui, Jésus, a suivi et vécu, de la manière la
plus parfaite et qui pourrait résumer la belle page des Béatitudes, qu’il nous
scande dans l’Evangile. « Heureux… ! » Oui ! Heureux  sommes-nous, quand
l’amour se dresse au centre de nos préoccupations, de nos devoirs et de nos
droits.

          Pour nous chrétiens, cet amour est loin d’être un concept, une formule
abstraite. Il a un nom : Jésus-Christ ; il a un objet : Jésus-Christ et tous ceux
qu’Il aime. L’amour trouve tout son sens en Lui, raison pour laquelle, il ne peut
être ni nocif ni dégradant pour l’homme, dont Jésus a voulu prendre la
condition. « Plus nous imitons Jésus et demeurons unis à Lui, dit le Saint Père,
plus nous entrons dans le mystère de la sainteté divine. Nous découvrons qu'Il
nous aime de façon infinie, et cela nous pousse à notre tour à aimer nos frères.
Aimer implique toujours un acte de renoncement à soi-même, de "se perdre soimême" et, précisément ainsi, cela nous rend heureux. »
          « Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! » C’est la béatitude que
Saint Matthieu place au centre du discours de Jésus, entre les cinq premières qui
naissent de la vie intérieure même du croyant (pauvreté de cœur, douceur,
amertume, faim et soif de justice, miséricorde) et les quatre dernières qui se
présentent comme le fruit visible de cette disposition intérieure (œuvre de paix,
sérénité dans la persécution, l’insulte et le faux témoignage, bonheur).

          La vision de Dieu est promise, quand il s'agit d'hommes au cœur pur. Cela
n'est pas sans raison, puisque les yeux qui permettent de voir Dieu sont dans le
cœur. Ce sont les yeux dont parle l'Apôtre Paul quand il dit : « Puisse-t-il
illuminer les yeux de votre cœur ! » (Ep 1,18)

          4- Dans le quotidien de la vie de l’homme, marqué par la faiblesse, la
tendance et la chute dans le péché, c’est la foi qui illumine ces yeux du cœur.
Dans la gloire des Saints que nous espérons tous partager un jour, ils seront à
jamais illuminés par la vision de Dieu : « dès maintenant, écrit Saint Jean, nous
sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore
clairement (…) Lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui
parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jn 3, 2) L’amour dont témoigne le
disciple de l’Evangile est comme le droit chemin qui le porte à la vision de Dieu.
Dans ce sens, les Saints que nous célébrons, et dont nous invoquons le soutien
constant, nous servent d’exemples et nous inspirent. Or le code de leur vie, ce
sont les Béatitudes proclamées par le Christ : ils se sont efforcés, toute leur vie
durant, de les intérioriser, de les vivre et d’en témoigner à la suite de Jésus Christ, grâce à la lumière et la puissance de l’Esprit Saint.

          Aujourd’hui, les Saints nous invitent à prendre ce chemin, où l’humilité,
la douceur, la patience et la droiture inspirent et font éclore la paix, le pardon, la
persévérance et le bonheur. La pratique de ces vertus ne nous met pas seulement
en communion avec le Christ et le prochain ; mais elle nous unit également à
tous ceux qui nous ont précédés et qui partagent désormais la vie du Ressuscité.
« Il a plu à Dieu, enseigne le Concile Vatican II, que les hommes ne reçoivent
pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel » (LG 9).

          La grâce de sainteté est donc en quelque sorte « organique » : nous
participons à la sainteté du Corps ecclésial du Christ ; ou encore : à la sainteté de
son Épouse, qu’il a voulu « rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême
et la Parole de vie ; il a voulu se la présenter à lui-même, cette Église,
resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et
irréprochable » (Ep 5,26-28).
          En cette Année de la Foi, frères et sœurs, il est plus que jamais urgent de
prendre conscience de cette dimension communautaire de la sainteté. Tous
saints ! Tous ensemble saints, car la foi que nous professons, cette foi qui inspire
et oriente nos actions de tous les jours nous relie à Jésus-Christ « venu dans le
monde pour que tous aient la vie » (Jn 10, 10) et que tous soient sauvés. C'est en
partageant la Parole et le Pain, dans la célébration eucharistique, que nous
constituons par excellence le peuple saint, celui qui est rassemblé par l'amour et
qui le rayonne dans la vie quotidienne.

          Que grandisse en nous, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge
Marie, modèle et miroir de sainteté, la conscience de notre appartenance au
Ciel ! Qu’elle et tous les Saints nous obtiennent la grâce d’avoir toujours à cœur
de faire grandir en nous le désir de chercher Jésus-Christ, le désir de le
rencontrer, le désir de lui ressembler, de le servir en chacun de nos frères, pour
la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen !


Le Cardinal SARR
Archevêque de Dakar