(1er Novembre 2012)
ALLOCUTION DU CARDINAL SARR
En ce jour, où nous célébrons tous
les Saints, nous célébrons
également
par anticipation la Commémoration de tous les fidèles
défunts.
Nous portons nos cœurs, nos regards et nos prières vers tous nos
frères
et sœurs, qui nous ont précédés dans la maison du Père, notre
véritable
destination. Nous sommes ici pour renouveler de façon toute
spéciale
notre foi en la vie éternelle, et notre prière de ce jour est
illuminée
par la Résurrection du Christ.
Chaque année à la même date, nous
nous rassemblons dans nos
cimetières,
pour prier, pour visiter nos parents et amis défunts pour leur
exprimer
notre affection et notre attachement. La visite des cimetières
est
un moment favorable pour vivre une expérience particulière de cet
article
de foi, contenu dans le Credo : « Je crois à la Communion des
Saints ». La
Communion des Saints exprime ce lien étroit qu’il y a entre
les
Saints du ciel, les autres fidèles défunts, et nous qui marchons encore
sur
cette terre. Notre présence ici est donc un moment de proximité avec
nos
frères et sœurs qui dorment ici, en attendant d’être réveillés pour la
vie
éternelle.
Nous pouvons méditer sur ce que sont
nos défunts pour nous, ce
qu’ils
sont pour Dieu et l’importance de ce lieu.
I. Notre
Communion avec les fidèles défunts
Les manifestations de notre communion
avec nos frères et sœurs
défunts
sont diverses. Je voudrais observer avec vous l’une d’entre elles :
les
bougies que nous apportons pour les allumer, en appui à notre prière
pour
nos frères et sœurs défunts.
Souvent, quand nous visitons nos
cimetières, comme aujourd’hui,
nous apportons des
chandelles, cierges, bougies et luminaires de toutes
sortes,
pour les poser sur les tombes de nos proches. Aujourd’hui
particulièrement
nos cimetières vont baigner dans leur lumière, symbole
de
présence invisible.
Associer la lumière aux défunts, pour
manifester le lien qui nous
unit
à eux, me paraît une très belle façon de montrer qu’ils sont toujours
avec
nous, mais d’une façon mystérieuse.
Comme la lumière qui guide et
éclaire, nos défunts peuvent
soutenir
et illuminer notre chemin par les exemples de leur vie. Comme
la
lumière qui dissipe les ténèbres, ils nous montrent que le passage par
la
mort n’est pas la fin de tout. Comme la lumière qui, au lever du jour,
fait
apparaître tout dans sa beauté et sa nouveauté, ainsi témoignent-ils
de
la beauté des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle », où nous
espérons
qu’ils sont rendus, avec le Ressuscité toujours vivant auprès de
Dieu.
II. La
Communion des fidèles défunts avec Dieu
« La
Commémoration de tous les fidèles défunts »,
en centrant
notre
attention sur les personnes qui nous ont quittés, met en évidence le
lien
qui nous unit à elles, mais plus encore le lien qui les unit à Dieu.
Ce que nous espérons pour les
défunts, que nous portons dans
notre
souvenir, c’est qu’ils sont rendus dans la maison de Dieu ; qu’ils y
ont
trouvé leur place. Nous espérons qu’est réalisée pour eux la promesse
de
Jésus, que nous venons de lire dans l’Evangile de Saint Jean : « Dans
la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur
demeure… et là
où je suis vous serez vous aussi. » (Jn 14, 2-3)
L’amour de Dieu, qui les a portés de
toute éternité, qui les a appelés
à
l’existence, qui les a accompagnés au fil de leur vie à travers des hauts
et
des bas, des moments d’intimité avec Lui et des questionnements, des
réussites
et des erreurs… l’amour de Dieu, dis-je, les prend tout entiers
maintenant,
espérons-nous. Ils ne sont plus à eux-mêmes, mais « à
Dieu », comme
le dit saint Paul à propos du Christ après la résurrection :
«
Car en mourant, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes :
vivant, c’est pour
Dieu qu’il vit. » (Rm 6, 10)
De même les fidèles défunts entrés au
ciel « vivent pour Dieu »
totalement
et définitivement. Leur lien à Dieu n’est plus un chemin
parcouru
avec des hauts et des bas ; ce n’est plus une montée vers la
lumière
à travers les nuages. C’est la pleine lumière dans le repos éternel
où
il n’y a plus ni larmes, ni pleurs. Avec Job, ils peuvent dire : « Je sais
que mon libérateur est vivant » (Job 19, 25).
Nous souvenir de nos défunts,
célébrer leur Commémoration, nous
fait
entrer dans cette vie éternelle qui est déjà commencée, et nous fait
proclamer
avec conviction cet article de notre profession de foi : « Je
crois à la vie éternelle ».
III. L’importance des cimetières chrétiens
Comment proclamer notre foi en la
communion avec nos défunts,
sans
rappeler l’importance des cimetières, pour nous chrétiens ?
Nos cimetières offrent la possibilité
de donner une sépulture digne
à
tous les fidèles, qui nous ont précédés dans la mort. Ils témoignent
également
de notre foi en la résurrection des morts, et demeurent un
reflet
de nos traditions catholiques.
Le cimetière chrétien est un lieu
sacré. C’est le lieu où reposent nos
frères
et sœurs dans la foi. Comme chrétiens, nous croyons que le corps
de
l’homme est sacré, même après la mort, et qu’il ressuscitera au dernier
jour.
Le Droit Canon, ou Code des lois de
l’Eglise, présente bien le
cimetière
comme un lieu sacré : « Les lieux sacrés sont ceux qui sont
destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par
la dédicace ou la
bénédiction que prescrivent à cet effet les livres liturgiques
» (cf. can.
1205).
Comme tels, les cimetières chrétiens
doivent être respectés, tenus
propres
et inspirer à tous ceux qui y entrent des attitudes et des
conduites
dignes du sacré.
Les cimetières chrétiens sont donc
des lieux à entretenir et à
sécuriser
perpétuellement, par respect pour les défunts qui y reposent, et en partage de
l’affection que leurs parents et proches nourrissent pour
eux.
C’est pourquoi, l’Eglise se préoccupe toujours et partout de la
création,
de l’aménagement et de l’entretien des cimetières pour ses
fidèles.
C’est l’occasion pour moi de saluer
et de remercier tous ces jeunes
et
ces personnes de bonne volonté, qui ont participé aux travaux de
nettoyage
de nos cimetières en préparation de cette célébration.
C’est aussi l’occasion pour moi de
remercier les membres de notre
Comité
de Gestion des Cimetières Chrétiens (COGECIC), pour tous les
efforts
déployés depuis la création de cet organe pour l’aménagement,
l’entretien
et la sécurisation de nos cimetières chrétiens de Dakar.
C’est l’occasion encore pour moi de
remercier les autorités
municipales
et gouvernementales, pour toutes les actions menées au fil
des
années pour assurer les mêmes aménagement, entretien et
sécurisation
de nos cimetières.
Je me permets alors de renouveler nos
nombreux appels pour la
création
d’un troisième cimetière pour les chrétiens des Départements de
Pikine
et de Guédiawaye, et d’un nouveau cimetière chrétien pour la ville
Rufisque.
Nous savons que l’attribution du cimetière de Guédiawaye est
en
bonne voie ; nous en remercions les autorités compétentes qui ont pris
cette
décision ; mais nous demandons la finalisation rapide des
démarches,
car il y a une très grande urgence à ouvrir ce cimetière, afin
de
ralentir le remplissage trop rapide du cimetière Saint Lazare de
Béthanie.
IV. La
profanation des cimetières de Bel-Air et de Saint
Lazare
Notre présence ici, aujourd’hui, est
cependant douloureusement
marquée
du souvenir d’actes de vandalisme et de profanation de
centaines
de tombes dans les cimetières de Bel Air et de Saint Lazare de
Béthanie.
Ce sont plus de 222 familles qui ont été profondément blessées
par
cette injure grave à la personne de leurs morts, au respect et à
l’affection
qu’elles leur ont marqués en édifiant leurs tombeaux. C’est toute notre
communauté, qui a été également profondément blessée par
ces
actes, qui sont une injure et une attaque contre elle-même.
C’est pourquoi, je les déplore et les
condamne avec véhémence, à
mon
tour. Ces actes sont une preuve supplémentaire de la grande perte
des
valeurs et de la grave dépravation des mœurs dans notre société
sénégalaise
d’aujourd’hui. En effet, autant dans nos traditions
ancestrales
que dans nos religions musulmane et chrétienne, la personne
humaine
en elle-même, son corps de son vivant, sa dépouille mortelle et
sa
sépulture, revêtent un caractère sacré, qui a toujours permis de leur
marquer
le respect le plus absolu. Alors que de tels actes, jusqu’alors
inconnus
chez nous, ne se reproduisent plus jamais !
J’exprime solennellement, à toutes
les familles directement
affectées,
ma sympathie et ma compassion dans cette douloureuse
épreuve,
que je partage avec elles. Je les assure de ma communion dans
la
prière et de mon engagement à tout faire, pour que de tels faits ne se
reproduisent
plus.
J’ai
été heureux de voir Monsieur le Président de la République luimême,
des
autorités gouvernementales, politiques et musulmanes, la
presse
et l'opinion publique se joindre à nous, pour dénoncer et
condamner
ces actes, avec la même véhémence.
Nous exprimons à eux tous,
l’expression de notre profonde
gratitude
pour cette compassion qui vient prouver, aux yeux du monde,
la
solidité des bonnes relations entre les communautés religieuses et les
différents
groupes humains au Sénégal, premier gage de la paix sociale
qui
a toujours caractérisé notre pays.
Cependant, nous demandons avec
insistance aux autorités
compétentes
que, d’une part, les enquêtes ouvertes soient menées jusqu’à
leur
terme pour l’identification et la punition des coupables, et que,
d’autre
part, des mesures de sécurité soient prises, pour garantir le
respect
de la mémoire de nos défunts, et protéger de manière efficace ces
cimetières
qui sont des lieux sacrés à nos yeux.
Encore une fois, attelons-nous tous à
lutter résolument contre la
permissivité,
l’indiscipline, l’impunité, le vandalisme et la violence. Chers frères et sœurs, dans notre foi en la
Communion des Saints,
continuons
de confier, à l’intercession de Notre Dame de Popenguine, de
Saint
Joseph, Saint patron de la bonne mort, et de tous les Saints, tous
les
hommes, femmes et enfants qui reposent en nos cimetières, pour que
Notre
Seigneur Jésus-Christ leur accorde la place préparée pour eux
auprès
de son Père.
« A nos défunts, accorde Seigneur
l’éternel repos ; que brille, à leurs
yeux,
la lumière sans déclin ! »
Que par la miséricorde de Dieu, les
âmes des fidèles défunts
reposent
en paix ! Amen.
Théodore
Adrien Cardinal SARR
Archevêque de
Dakar.