vendredi 2 novembre 2012

COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS





(1er  Novembre 2012)



ALLOCUTION DU CARDINAL SARR

          En ce jour, où nous célébrons tous les Saints, nous célébrons
également par anticipation la Commémoration de tous les fidèles
défunts. Nous portons nos cœurs, nos regards et nos prières vers tous nos
frères et sœurs, qui nous ont précédés dans la maison du Père, notre
véritable destination. Nous sommes ici pour renouveler de façon toute
spéciale notre foi en la vie éternelle, et notre prière de ce jour est
illuminée par la Résurrection du Christ.
          Chaque année à la même date, nous nous rassemblons dans nos
cimetières, pour prier, pour visiter nos parents et amis défunts pour leur
exprimer notre affection et notre attachement. La visite des cimetières
est un moment favorable pour vivre une expérience particulière de cet
article de foi, contenu dans le Credo : « Je crois à la Communion des
Saints ». La Communion des Saints exprime ce lien étroit qu’il y a entre
les Saints du ciel, les autres fidèles défunts, et nous qui marchons encore
sur cette terre. Notre présence ici est donc un moment de proximité  avec
nos frères et sœurs qui dorment ici, en attendant d’être réveillés pour la
vie éternelle.
          Nous pouvons méditer sur ce que sont nos défunts pour nous, ce
qu’ils sont pour Dieu et l’importance de ce lieu.

I. Notre Communion avec les fidèles défunts
          Les manifestations de notre communion avec nos frères et sœurs
défunts sont diverses. Je voudrais observer avec vous l’une d’entre elles :
les bougies que nous apportons pour les allumer, en appui à notre prière
pour nos frères et sœurs défunts.
          Souvent, quand nous visitons nos cimetières, comme aujourd’hui,
nous apportons des chandelles, cierges, bougies et luminaires de toutes
sortes, pour les poser sur les tombes de nos proches. Aujourd’hui
particulièrement nos cimetières vont baigner dans leur lumière, symbole
de présence invisible.
          Associer la lumière aux défunts, pour manifester le lien qui nous
unit à eux, me paraît une très belle façon de montrer qu’ils sont toujours
avec nous, mais d’une façon mystérieuse. 
          Comme la lumière qui guide et éclaire, nos défunts peuvent
soutenir et illuminer notre chemin par les exemples de leur vie. Comme
la lumière qui dissipe les ténèbres, ils nous montrent que le passage par
la mort n’est pas la fin de tout. Comme la lumière qui, au lever du jour,
fait apparaître tout dans sa beauté et sa nouveauté, ainsi témoignent-ils
de la beauté des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle », où nous
espérons qu’ils sont rendus, avec le Ressuscité toujours vivant auprès de
Dieu.
II. La Communion des fidèles défunts avec Dieu
          « La Commémoration de tous les fidèles défunts », en centrant
notre attention sur les personnes qui nous ont quittés, met en évidence le
lien qui nous unit à elles, mais plus encore le lien qui les unit à Dieu. 
          Ce que nous espérons pour les défunts, que nous portons dans
notre souvenir, c’est qu’ils sont rendus dans la maison de Dieu ; qu’ils y
ont trouvé leur place. Nous espérons qu’est réalisée pour eux la promesse
de Jésus, que nous venons de lire dans l’Evangile de Saint Jean : « Dans
la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure… et là
où je suis vous serez vous aussi. » (Jn 14, 2-3) 
          L’amour de Dieu, qui les a portés de toute éternité, qui les a appelés
à l’existence, qui les a accompagnés au fil de leur vie à travers des hauts
et des bas, des moments d’intimité avec Lui et des questionnements, des
réussites et des erreurs… l’amour de Dieu, dis-je, les prend tout entiers
maintenant, espérons-nous. Ils ne sont plus à eux-mêmes, mais « à
Dieu », comme le dit saint Paul à propos du Christ après la résurrection :
« Car en mourant, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes :
vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. » (Rm 6, 10)
          De même les fidèles défunts entrés au ciel « vivent pour Dieu »
totalement et définitivement. Leur lien à Dieu n’est plus un chemin
parcouru avec des hauts et des bas ; ce n’est plus une montée vers la
lumière à travers les nuages. C’est la pleine lumière dans le repos éternel
où il n’y a plus ni larmes, ni pleurs. Avec Job, ils peuvent dire : « Je sais
que mon libérateur est vivant » (Job 19, 25). 
          Nous souvenir de nos défunts, célébrer leur Commémoration, nous
fait entrer dans cette vie éternelle qui est déjà commencée, et nous fait
proclamer avec conviction cet article de notre profession de foi : « Je
crois à la vie éternelle ». 

III. L’importance des cimetières chrétiens
          Comment proclamer notre foi en la communion avec nos défunts,
sans rappeler l’importance des cimetières, pour nous chrétiens ?
          Nos cimetières offrent la possibilité de donner une sépulture digne
à tous les fidèles, qui nous ont précédés dans la mort.  Ils témoignent
également de notre foi en la résurrection des morts, et demeurent un
reflet de nos traditions catholiques.  
          Le cimetière chrétien est un lieu sacré. C’est le lieu où reposent nos
frères et sœurs dans la foi. Comme chrétiens, nous croyons que le corps
de l’homme est sacré, même après la mort, et qu’il ressuscitera au dernier
jour.
          Le Droit Canon, ou Code des lois de l’Eglise, présente bien le
cimetière comme un lieu sacré : « Les lieux sacrés sont ceux qui sont
destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par la dédicace ou la
bénédiction que prescrivent à cet effet les livres liturgiques » (cf. can.
1205).
          Comme tels, les cimetières chrétiens doivent être respectés, tenus
propres et inspirer à tous ceux qui y entrent des attitudes et des
conduites dignes du sacré.
          Les cimetières chrétiens sont donc des lieux à entretenir et à
sécuriser perpétuellement, par respect pour les défunts qui y reposent, et en partage de l’affection que leurs parents et proches nourrissent pour
eux. C’est pourquoi, l’Eglise se préoccupe toujours et partout de la
création, de l’aménagement et de l’entretien des cimetières pour ses
fidèles.
          C’est l’occasion pour moi de saluer et de remercier tous ces jeunes
et ces personnes de bonne volonté, qui ont participé aux travaux de
nettoyage de nos cimetières en préparation de cette célébration.
          C’est aussi l’occasion pour moi de remercier les membres de notre
Comité de Gestion des Cimetières Chrétiens (COGECIC), pour tous les
efforts déployés depuis la création de cet organe pour l’aménagement,
l’entretien et la sécurisation de nos cimetières chrétiens de Dakar. 
          C’est l’occasion encore pour moi de remercier les autorités
municipales et gouvernementales, pour toutes les actions menées au fil
des années pour assurer les mêmes aménagement, entretien et
sécurisation de nos cimetières.
          Je me permets alors de renouveler nos nombreux appels pour la
création d’un troisième cimetière pour les chrétiens des Départements de
Pikine et de Guédiawaye, et d’un nouveau cimetière chrétien pour la ville
Rufisque. Nous savons que l’attribution du cimetière de Guédiawaye est
en bonne voie ; nous en remercions les autorités compétentes qui ont pris
cette décision ; mais nous demandons la finalisation rapide des
démarches, car il y a une très grande urgence à ouvrir ce cimetière, afin
de ralentir le remplissage trop rapide du cimetière Saint Lazare de
Béthanie.

IV. La profanation des cimetières de Bel-Air et de Saint
Lazare
          Notre présence ici, aujourd’hui, est cependant douloureusement
marquée du souvenir d’actes de vandalisme et de profanation de
centaines de tombes dans les cimetières de Bel Air et de Saint Lazare de
Béthanie. Ce sont plus de 222 familles qui ont été profondément blessées
par cette injure grave à la personne de leurs morts, au respect et à
l’affection qu’elles leur ont marqués en édifiant leurs tombeaux. C’est toute notre communauté, qui a été également profondément blessée par
ces actes, qui sont une injure et une attaque contre elle-même.
          C’est pourquoi, je les déplore et les condamne avec véhémence, à
mon tour. Ces actes sont une preuve supplémentaire de la grande perte
des valeurs et de la grave dépravation des mœurs dans notre société
sénégalaise d’aujourd’hui. En effet, autant dans nos traditions
ancestrales que dans nos religions musulmane et chrétienne, la personne
humaine en elle-même, son corps de son vivant, sa dépouille mortelle et
sa sépulture, revêtent un caractère sacré, qui a toujours permis de leur
marquer le respect le plus absolu. Alors que de tels actes, jusqu’alors
inconnus chez nous, ne se reproduisent plus jamais !
          J’exprime solennellement, à toutes les familles directement
affectées, ma sympathie et ma compassion dans cette douloureuse
épreuve, que je partage avec elles. Je les assure de ma communion dans
la prière et de mon engagement à tout faire, pour que de tels faits ne se
reproduisent plus.  
J’ai été heureux de voir Monsieur le Président de la République luimême,

des autorités gouvernementales, politiques et musulmanes, la
presse et l'opinion publique se joindre à nous, pour dénoncer et
condamner ces actes, avec la même véhémence.
          Nous exprimons à eux tous, l’expression de notre profonde
gratitude pour cette compassion qui vient prouver, aux yeux du monde,
la solidité des bonnes relations entre les communautés religieuses et les
différents groupes humains au Sénégal, premier gage de la paix sociale
qui a toujours caractérisé notre pays. 
          Cependant, nous demandons avec insistance aux autorités
compétentes que, d’une part, les enquêtes ouvertes soient menées jusqu’à
leur terme pour l’identification et la punition des coupables, et que,
d’autre part, des mesures de sécurité soient prises, pour garantir le
respect de la mémoire de nos défunts, et protéger de manière efficace ces
cimetières qui sont des lieux sacrés à nos yeux. 
          Encore une fois, attelons-nous tous à lutter résolument contre la
permissivité, l’indiscipline, l’impunité, le vandalisme et la violence.  Chers frères et sœurs, dans notre foi en la Communion des Saints,
continuons de confier, à l’intercession de Notre Dame de Popenguine, de
Saint Joseph, Saint patron de la bonne mort, et de tous les Saints, tous
les hommes, femmes et enfants qui reposent en nos cimetières, pour que
Notre Seigneur Jésus-Christ leur accorde la place préparée pour eux
auprès de son Père.
          « A nos défunts, accorde Seigneur l’éternel repos ; que brille, à leurs
yeux, la lumière sans déclin ! »
          Que par la miséricorde de Dieu, les âmes des fidèles défunts
reposent en paix ! Amen.


Théodore Adrien Cardinal SARR
Archevêque de Dakar.